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lundi 26 novembre 2012

De la barricade considérée comme un des beaux-arts


Le spectacle valait le coup samedi 24 novembre en forêt de Rohanne, où la résistance collective a atteint des sommets d’intensité, de détermination, de cohérence. Bouteilles, cailloux, terre, fusées, feux d’artifices, cocktails Molotov, morceaux de bois et billes d’acier… les flics, c’est comme les cochons : ça mange de tout. Tant mieux : deux jours durant les opposants répartis sur la ZAD leur ont offert un menu varié et copieux, le « spécial Notre-Dame-des-Landes ». Certes, les bleus ne sont pas exempts de cette générosité qui leur est si particulière : ils distribuent dans des proportions effarantes gaz lacrymogènes, grenades assourdissantes et balles en caoutchouc, ce qui peut finir par devenir gênant ; lors d’une de ces séquences de guérilla bocagère de légende où cela pète dans tous les sens, je me suis fait allumer au flashball, sans conséquence.
Ah ! il fallait voir le peuple des prés défendant par sa présence aux abords des bois les combattants cagoulés contraints d’en sortir pour se replier, avides d’air pur, d’anonymat, de convivialité. Comme il fallait être avec cette foule de gens aux visages découverts dansant au plus près des lignes, au point d’en bousculer les flics, et applaudir les Irréguliers les protégeant à leur tour à coups de pierres et de branches contre la flicaille en panique (rendez-vous compte : un cercle de braves chantant bras dessus et bras dessous une ridée), après qu’elle les eut gazés.
À un moment un commando de condés suréquipés a essayé de contourner l’énorme souche renversée formant un monticule d’humus derrière laquelle s’étaient retranchés nombre de camarades, afin de les déloger de ce bastion imprenable d’où partaient d'incessantes attaques. Dans ces bosquets denses et humides, le mouvement des poulets était rendu d’autant plus difficile que derrière chaque arbre, tapis aux abords du fossé tous les copains se sont figés, projectiles à la main prêts à tirer. Sur nos arrières vinrent les pétroleuses, avec des sacs de pierres à distribuer : soudain des dizaines d’âmes vaillantes étaient équipées d’un moyen de défense, et toutes étaient tendues vers un seul objectif : empêcher les cognes de progresser. Le temps s’est suspendu… Personne n’en menait large, mais que nous avions du courage ! Et que nous étions beaux, tous ensemble à les mettre au défi de passer ! Ainsi, en butte au harcèlement des premières lignes de tireurs, couvertes par la seconde et la troisième de caillasseurs, morbleu ! ils n’y sont pas arrivés.
Il leur aura fallu douze heures pour déloger les opposants installés dans la canopée, abattre dix arbres et détruire une cabane. Mes amis, en vérité je vous le dis : nous sommes légion, quoi qu’ils saccagent, on le reconstruira. Quant aux arbres, il en reste des milliers.
Deux jours auparavant, j’étais en compagnie d’un ami accordéoniste avec qui, perché sur une barricade du chemin de Suez, je dégustais un verre de muscadet, non loin du Rosier. Nous devisions sur l’art, sur l’improvisation, sur la beauté, et il nous est apparu que, quel que soit notre rôle dans la vie, il est vital de cultiver sa singularité. Dès lors, lutter à Notre-Dame-des-Landes c’est offrir à tous l'espoir, la force, le courage de vivre un rêve.
Car c'est d'un rêve qu'il s'agit, et il ne cesse de s’épanouir.

Stéphane Cattaneo

Bonne fièvre


Quand la fièvre monte, l'évidence s'impose : il faut mettre
un terme aux maîtres !

jeudi 22 novembre 2012

La proie facile


Lors d'une récente visite, le Tenancier du blogue Feuilles d'automne me demandait si par hasard je n'aurais pas des traductions françaises de romans de Val Lewton, le génial producteur de la RKO qui a notamment permis aux chefs d'œuvre de Jacques Tourneur de voir le jour.

J'ignorais complètement que Val Lewton avait aussi fait œuvre de romancier, mais en même temps ce nom m'évoqua aussitôt autre chose : il me semblait l'avoir vu voici peu sur la couverture d'un livre ou au dos d'un volume, sans que j'eusse alors fait le rapprochement avec ledit producteur.
Je farfouille un peu dans le rayonnage des polars anciens, les Ditis, les "Un mystère", tout ça… en vain ; finalement, un peu confus, je dis au Tenancier que j'ai probablement confondu avec un autre nom d'auteur…

Avant-hier, mon regard s'arrête sur le dos d'une reliure fatiguée qui déparaît au milieu d'une étagère de volume brochés, dans un coin sombre. J'extirpe l'ouvrage (réitérant sans doute un geste effectué quelques semaines auparavant) : Val Lewton, La proie facile.
J'envoie aussitôt un message au Tenancier :
« Ah tout de même, je n'ai pas complètement la cervelle en sauce blanche !
J'ai retrouvé le bouquin de Val Lewton qu'il me semblait avoir aperçu […] voici quelques semaines : c'est La proie facile, éd. Parima, 1933, coll. "Passions". »
*****

Hier, je décide de renouer avec une série de billets délaissée depuis longtemps — les incipit des romans de Manchette — en publiant le début de Ô dingos, ô châteaux !

Et aujourd'hui, en parcourant l'édition "Quarto" des Romans noirs de Manchette (Gallimard, 2005), je tombe sur ce passage dans la section Vie et œuvre, rédigée par Mélissa Manchette et Doug Headline, p. 1297 :
« Mars [1969]. Il écrit un premier synopsis de Safari [pour un enfant], rebaptisé La Proie facile, qui est le brouillon de Ô dingos, ô châteaux ! Il en écrira une autre version en juin. »

mercredi 21 novembre 2012

Les débuts de Manchette (2)



L'homme que Thompson devait tuer, un pédéraste coupable d'avoir séduit le fils d'un industriel, entra dans sa chambre. Refermant sa porte* derrière lui, il eut le temps de sursauter à la vue de Thompson debout contre le mur à côté des gonds. Puis Thompson lui plongea dans le cœur une lame de scie rigide montée sur une grosse poignée cylindrique et pourvue d'une garde circulaire en tôle. Tandis que la garde empêchait les jets de sang, Thompson agita vigoureusement la poignée cylindrique et le cœur de l'homosexuel se trouva coupé en deux ou plusieurs morceaux. La victime ouvrit la bouche et eut un seul spasme. Sa croupe heurta le battant et elle tomba morte en avant. Thompson fit un pas de côté. Le cadavre lui laissa sur la main une trace de rouge à lèvres. Thompson s'essuya avec dégoût. Depuis une demi-heure, ses crampes d'estomac étaient devenues presque intolérables. Il quitta la chambre. Personne ne l'avait vu entrer, personne ne le vit sortir. Il était 2 heures du matin. Thompson avait un rendez-vous à Paris à 11 heures. Il se dirigea à pied vers la gare de Perrache. Les crampes le pliaient en deux. Le tueur décida de lâcher le métier. Bientôt. C'était chaque fois pire. Il n'avait rien pu absorber depuis une dizaine d'heures. A présent qu'il avait tué, la faim le tenaillait d'une manière dégoûtante. Il pénétra enfin dans le buffet de la gare. Il commanda une choucroute et la dévora. Il se sentit mieux. Il commanda une deuxième choucroute et la dégusta. Son ventre était apaisé. Son esprit également : Thompson venait de gagner une aimable somme d'argent. Il était 3 heures. Le tueur paya, rejoignit sa Rover grise devant un parcmètre, prit la direction de l'autoroute A6.
Plus tard, il s'arrêta dans un parking entre Lyon et Paris et fit un somme jusqu'à l'aube.
À 11 heures du matin, il fut exact à son rendez-vous. Le nouveau client avait mis des lunettes noires et Thompson sourit de cette puérilité. Assis dans un box, les deux hommes burent de la bière écossaise. Le nouveau client posa une photo retournée sur la table.
— Ce sera un peu compliqué, dit-il. Il faudrait que ça ait l'air… Je vous expliquerai. Qu'est-ce qui vous arrive ? Ça ne va pas ?
Thompson se massa l'estomac.
— Ça va, ça va, affirma-t-il.
Il retourna la photo. Elle était en couleurs. Elle représentait en buste un enfant roux à la mine maussade.
— Est-ce que ça vous ennuie ?
— Pas du tout, dit Thompson.
C'était son estomac qui l'ennuyait. C'était reparti. Il recommençait à souffrir.

* Bizarre, cet adjectif possessif — qui de surcroît redouble le précédent ! « Refermant la porte… » me semblerait mieux venu. Coquille ayant échappé à la vigilance de l'auteur lors des corrections ? Faudrait vérifier sur le manuscrit…

lundi 12 novembre 2012

Manchette m'enchante


Samedi 10 novembre, l'émission Une vie, une œuvre était consacrée à Jean-Patrick Manchette.
On regrette seulement que n'aient pas été conviés au micro Thierrry Marignac, furieux contempteur de l'écrivain, ni surtout Jean-Pierre Bastid, qui fut son premier compagnon d'écriture et à qui Manchette subtilisa sans vergogne le thème de L'affaire N'Gustro pendant que Bastid tournait en Provence l'adaptation du scénario qui deviendra plus tard l'opéra-rock Cache ta joie ! : Grandeur et décomposition de la compagnie de la Danse de Mort (film particulièrement foutraque mais qui fut tout de même mené à terme, quoi que certains disent)…

vendredi 9 novembre 2012

L'énorme morne norme


Naître.

Être éduqué, éradiqué.

— « Qu'est-ce que tu vas vas faire ? », te demandent-ils tous, tôt.
T'aurais voulu prendre ton temps, rêver tout ton saoul, mais voilà que la réalité rugueuse t'a rattrapré.
Après, plus le temps de penser, faut bosser vaille que faille…
Aïe, même plus possible d'imaginer une révolution sociale !
Ah là là…

À la maison tout va de mal en pis.
Pis t'as même plus de maison, ni plus rien d'ailleurs, point-barre.

Arrête ton char :
Charrie, varie !

Beau comme un car de police en feu




Vous pourrez réfléchir longtemps sur le rôle de l’art dans la société, gloser indéfiniment sur l’engagement des artistes dans le champ de la critique sociale, vous interroger sur les moyens à leur disposition pour faire basculer une lutte radicale et violente du côté sensible, émouvant et drôle de la vie. Vraiment je crois que c’est intéressant de le faire. Utile aussi, surtout quand vous vous retrouverez en pleine nuit à garder la barricade est de Notre-Dame-des-Landes par exemple, tandis que les compagnons sur le confort desquels vous veillerez en alimentant le feu qui les empêche de mourir de froid seront endormis : il faut bien passer le temps. Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé, moi oui.
Cependant, quand à 8 heures du matin les flics attaqueront, puis reculeront, puis chargeront à nouveau, que les grenades de toutes natures pleuvront, que l’air deviendra opaque, suffoquant, que les frondes, pierres et cocktails Molotov des copains entreront en action, que devant la disproportion des forces qui vous feront face vous serez contraints d’abandonner votre position en mettant le feu à la barricade, ce qui vous laissera le temps de rejoindre les camarades qui en érigent une nouvelle un peu plus loin, que vous effectuerez diverses opérations de harcèlement des bleus afin de retarder leur progression, que vous aurez combattu au Sabot, à l’est au centre, dans les champs, les routes, la forêt, et que vous vous retrouverez sur la barricade nord, la plus belle, la plus héroïque, à voir des copains blessés qui tomberont, atteints dans les jambes ou le bas-ventre par des tirs tendus de capsules de gaz lacrymogène, votre cœur s’emplira de rage et vos mains de pierres ; à ce moment l’aspect esthétique de la réalité sera passé au second plan : vous vous rendrez compte que vous avez choisi de faire la guerre.
Et ça vous rendra tristes. Comme moi.
Quand, abattus, épuisés, vous vous éloignerez de la zone d’affrontements pour vous rendre à la Vache Rit souffler un peu, avaler une boisson chaude, partager en trois phrases votre expérience avec une camarade qui vous demande si ça va, vous serez à deux doigts de pleurer. Comme moi.
Et puis quand vous remonterez au front et sentirez que vous n’êtes plus en capacité de faire quoi que ce soit d’utile, alors vous rentrerez chez vous prendre un bain moussant de chez Crabtree & Evelyn, dormir aussi, et vous enivrer avec des copains, plus tard, en mangeant des gambas et du pâté, le cul au chaud devant un match de foot à la télé ; à la suite de quoi vous oublierez l’existence l’espace d’une nuit, avant de vous réveiller fourbus, hagards mais contents d’être en vie, vous interrogeant au moment du café sur votre rôle dans l’avenir de la société pour vous qui êtes artiste, étudiant, paysan, chômeur, commerçant, salarié…
Vous vous rendrez compte alors, en ramassant les miettes de votre petit-déjeuner qu'un élément de réponse se trouve peut-être à Notre-Dame-des-Landes, sur la ZAD, la Zone A Défendre ; rien d’autre à faire finalement que vous y diriger une fois encore, quand vos forces seront recouvrées, car à quoi pourrait bien ressembler un car de flics incendié au milieu du bocage ? C’est cette question, fondamentale, d’ordre éminemment esthétique qui vous taraudera : on ne sait jamais, ça fait peut-être joli dans le paysage ? Rien que pour le savoir, vous y retournerez.
Comme moi.

Stéphane Cattaneo

Allez donc lire les lumineuses explications de Jean-Pierre Martin

dimanche 4 novembre 2012

Entropie, déliquescence, ou bien déréliction morose ?


Au fil de ses dérives adolesceuses, atrabilaires, révoltées, ludiques, amoureuses ou logiques, le soi-disant George Wilhelm Ferdydurke Weaver a successivement habité un appartement de 200mà Paris, puis une chambre de bonne dans la même ville, avant que de partir dans les Pyrénées-Orientales retaper une grande bâtisse perdue louée à un prix misérable (l'équivalent de 70 € mensuels) aux HLM du coin (grosse magouille politicarde à l'appui, mais ça je ne l'ai su que bien après…), puis retour miraculeux à Paris grâce à l'opportunité d'habiter durant deux ans un pavillon de deux étages avec jardin près du parc Georges Brassens (150 € par mois, et sans cesse des fêtes énormissantes et devenues de plus en plus impossibles de nos jours…), et ensuite un trois-pièces dégotté fissa en un coup de fil, en un seul jour, vers le métro Stalingrad (chouettement partagé avec l'ami Pincemi, qui commençait alors à composer son œuvre, tout en concoctant parfois des poulets aux cacahuètes, par exemple…)
Après quoi, il a aménagé durant six mois le garage à chevaux d'une ancienne usine de malles de poste à Malakoff, en bénéficiant de la jouissance de ses 600 m2 de terrain (mais quand même : maçonnerie, menuiserie, plomberie, isolation, électricité, tout le bastringue…) et y a demeuré une douzaine d'années à l'œil, pour atterrir ensuite dans un deux-pièces enchanteur à Belleville, et puis zut ! une colocation pourrie dans un pavillon glacial du Haut-Montreuil, toutes affaires cessées — et voici qu'il réside désormais nonchalamment dans une modeste caravane : retour à une case-départ qui n'a jamais démarré.

Quand on a tout perdu, ne nous reste plus que la puissante jouissance du présent, immédiate — et donc éternelle.

jeudi 1 novembre 2012

Les quatre saisons (version courte)


En attendant la totalité de l'album initial (qui comporte le double de titres), voici la version courte des Quatre saisons, fruit du labeur des compères Pincemi et Pincemoi, écrit et composé au milieu des années quatre-vingt-dix.
On y croise pêle-mêle Gombrowicz, Huysmans, Nietszche, Enid Blyton, le Facteur Cheval, Jean Ferrat, un pape, un naimedropinnegue en —ski — ainsi que dans la version longue Nerval, les Beatles et les Stranglers, entre autres…



(Cliquer puis zoomer sur les images ci-dessous pour lire les paroles)