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samedi 26 février 2011

Une théorie de jeunes-filles


Qui pourrait supporter un monde dans lequel, un mardi soir de février 2011, dans le métro parisien, sur le strapontin d'en face, on entendrait une jeune femme s'écrier (murmurer, s'imagine-t-elle sans doute) dans son machin, oreillette vissée dans le pavillon :
« … Oui, je sais qu'on ne se  prend jamais la tête…
… Oui, c'est vrai qu'on aime bien baiser ensemble, mais… » 
 — mais puisqu'elle arrive à cet instant à sa destination, elle se lève sans cesser de tenter d'atténuer, elle lève le loquet comme on claque une cloque, comme on tire la chasse, comme si elle annulait une commande à La Redoute, avec quand même une  petite moue pour la caméra du quai, sait-on jamais…

Quel être humain pourrait donc jamais souhaiter vivre dans ce monde-là, de poupées Pat et Walt, peut-être pire encore ?

vendredi 18 février 2011

Tant de temps de sens dessus dessous



Des ministres tarés et d’anciennes filles publiques étaient tenus pour des parangons de vertu. […] Mais précisément c’est que la société d’alors, de même que les visages aujourd’hui modifiés et les cheveux blonds remplacés par des cheveux blancs, n’existait plus que dans la mémoire d’êtres dont le nombre diminuait tous les jours.

Marcel Proust, Le temps retrouvé

mercredi 9 février 2011

Un style pas manchot : Manchette


Dans ce troisième état du projet Iris, l’un des romans ultérieurs du cycle Les gens du mauvais temps qui devait débuter par La princesse du sang, Maurer est un acteur raté qu’engage son sosie le magnat Victor Bester — reclus sur une  île lointaine, genre Howard Hugues — pour apparaître à sa place et sous ses traits lors de la fête annuelle du village natal de Bester, pas loin de Toulouse. Surveillé par une nuée de gorilles, Maurer est accompagné pour cette parade — sur l’ordre de Bester — d’une starlette paumée dont sitôt vue il s’est épris : Alba Joy Black.
Victor Bester n’a pas trop eu tort de se faire représenter le temps de cette pénible apparition : le secrétaire de mairie de l’insignifiant village en question, un certain Claude Aimable, est décidé à l’abattre — pour des motifs qui nous demeureront à jamais celés mais qu’on peut imaginer à l’envi — et il s’est entraîné à cette fin.
Voici l’impeccable final du septième chapitre de cette dernière version du roman inachevé, abandonné, là où Manchette s’est arrêté. Le rythme, le style, la patte de l'auteur qui nous arrache vers la vie, même s’il cause que de mort. L'importance des points-virgules, par exemple, quoi qu'en aient dit Léautaud et tant d’autres… Cette musique n’est que de la joie, restée cachée.

Quelque temps auparavant, les émissaires de Victor Bester et le conseil municipal étaient convenus que le potentat ferait sa visite-surprise le jour de la fête annuelle, patronale, paroissiale et commerciale, de la cité. Il fallait respecter autant que possible l’horaire de cette fête. Le départ du défilé de majorettes devait être donné à midi. Victor Bester devait à la même heure prendre place dans la tribune d’honneur, avec des élus locaux et des personnalités de l’industrie et du commerce, pour assister au défilé de majorettes. Après le défilé il devait y avoir un repas. Avant le défilé on avait prévu un apéritif. C’est ce qu’on prenait maintenant en hâte, car midi approchait.
[…]
Les verres se vidèrent. On s’achemina vers l’extérieur. Les gardes du corps serraient de près Maurer qui causait avec le maire et donnait le bras à Alba Joy Black. Tout le monde sortit de l’hôtel de ville par la porte principale. On parcourut* quelques dizaines de mètres à pied, à découvert, pour aller s’installer dans la tribune, un assemblage de barres métalliques et de banquettes en matière plastique, recouvert de toile tricolore. Il était midi. À quelques centaines de mètres, les majorettes se mirent en marche au son d’une musique martiale jouée par une clique en uniformes violines qui s’ébranla à la suite du polygone pailleté de jeunes personnes à peine pubères, au pas.

Au même moment, les occupants de la tribune finissaient de prendre place. Maurer, alias Bester, était assis au premier rang, à la droite du maire ; Alba Joy Black était assise à la droite de Maurer ; les majorettes arrivèrent ; elles défilèrent tête à droite devant la tribune ; Claude Aimable ouvrit le feu. Il était sorti de sa voiture à l’approche du cortège. Il avait appuyé son fusil à tir rapide sur le toit de la Renault 4. Il visa Maurer et pressa la détente. D’abord son tir fut imprécis. C’est qu’il s’était entraîné à tirer à l’horizontale. Tandis qu’à présent il visait une cible surélevée : il tirait sous un angle qu’un cinéaste eût nommé contre-plongée. Presque toute sa première rafale manqua sa cible, d’autant que Claude Aimable ne s’était jamais entraîné à compenser sous cet angle-ci l’effet de recul de son arme. Alors qu’il visait le cœur de Victor Bester, le cœur de Maurer, sa première balle toucha l’homme sur le côté droit de la tête, et tout le reste de la rafale cribla d’impacts les personnes qui étaient assises sur les tréteaux supérieurs de la petite tribune.

Claude Aimable jura et éclata de rire. Il engagea un autre magasin dans son M16. Des gens hurlaient et se convulsaient sur les banquettes de plastique de la tribune. La fanfare hésita, fit des couacs et s’arrêta finalement de jouer. Le polygone de majorettes se défaisait. Les jeunes filles pailletées hésitaient ; il est difficile de passer brusquement d’une situation dans laquelle on se meut dans des règles très strictes et répétitives, à une situation dans laquelle il faut courir pour sauver sa vie. Claude Aimable s’avança sur la chaussée en épaulant son arme, et pressa encore la détente. Maurer avait tout le côté de la tête couvert de sang, il était tombé à présent et il se relevait ; il vit le visage du maire recevoir deux balles ; un fragment de l’arrière de la tête de l’élu local se détacha et tomba sur les genoux d’une femme assise derrière l’homme ; le bout de crâne garni de cheveux et de matière cérébrale se plaqua comme un mollusque entre les cuisses de la dame, sur sa robe imprimée de fleurs ; Maurer se retourna très brutalement sur sa droite, vers Alba Joy Black, et la vit recevoir deux balles dans la gorge et une dans le sein droit ; elle bascula en arrière ; Maurer avait perdu l’équilibre en pivotant ; de plus il reçut à ce moment un projectile qui lui traversa la cuisse en lui fracturant le fémur au passage, et il tomba à plat ventre ; il releva la tête et aperçut Alba Joy Black qui se redressait ; elle se mit même debout ; elle semblait ne plus savoir où elle se trouvait et elle plaquait ses deux mains sur son cou et des morceaux de cartilage se glissaient entre ses doigts et du sang artériel giclait ; elle tomba à genoux. Il régnait un extraordinaire vacarme car presque tous les occupants de la tribune hurlaient, soit qu’ils fussent blessés, soit qu’ils fussent terrifiés. Deux gardes du corps de Maurer avaient sauté par-dessus la balustrade de la tribune. Ils couraient à travers la chaussée où s’égaillaient les majorettes et les musiciens de l’harmonie municipale. Ils rejoignirent Claude Aimable et le jetèrent à terre. L’un d’eux s’assit sur ses jambes. L’autre se pencha sur l’homme renversé et sortit de l’intérieur de sa veste un Colt .45 automatique. Dans la tribune Alba Joy Black était tombée sur le côté et toussait terriblement. Maurer tâchait de ramper vers elle mais deux gardes du corps le saisirent aux aisselles, le soulevèrent et l'emportèrent. Près de la Renault 4 le Colt .45 fut braqué sur les cheveux de Claude Aimable, la détente fut pressée, la tête du secrétaire de mairie éclata. Derrière la tribune des gardes du corps transportaient rapidement Maurer qui saignait et se débattait. Sans savoir comment, il se retrouva sur une civière à bord d'un hélicoptère SA 341 Gazelle qui volait, qui l'emportait au-dessus de la terre, au-dessus de la cité, loin du massacre.

Polar hors-série, Spécial Manchette, avril 1997, pp. 99-102

* Le texte donne « On parcourt ». J'ai pris l'initiative de rétablir le passé simple.

samedi 5 février 2011

« Once more in Gombrowicz, dear friends ! »

Je me promenais dans l’allée bordée d’eucalyptus, quand tout à coup surgit de derrière un arbre une vache.
Je m’arrêtai et nous nous regardâmes dans le blanc des yeux.
Sa vachéité surprit à ce point mon humanité — il y eut une telle tension dans l’instant où nos regards se croisèrent — que je me sentis confus en tant qu’homme, en tant que membre de l’espèce humaine. Sentiment étrange, que j’éprouvais sans doute pour la première fois : la honte de l’homme face à l’animal. Je lui avais permis de me voir, de me regarder, ce qui nous rendait égaux, et du coup j’étais devenu moi-même un animal, mais un animal étrange, je dirais illicite. Je me mis en route, reprenant ma promenade interrompue, mais je me sentais mal à l’aise… au milieu de cette nature qui m’assiégeait de toutes parts, qui avait l’air… de m’épier.

Witold Gobrowicz, Journal, tome I (1953-1958), Gallimard, « folio » n°2767, 1995, pp. 516-517. Traduit par Christophe Jezewski et Dominique Autrand
 *****

Et maintenant, l'enregistrement de l'opéra dont on avait causé voici deux ans : Yvonne, princesse de Bourgogne, comédie tragique en quatre actes et en musique de Philippe Boesmans d’après la pièce homonyme de Witold Gombrowicz, créée fin janvier 2009 à l'Opéra de Paris (Palais Garnier). Livret de Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger.

Yvonne : Dörte Lyssewski
Le Roi Ignace : Paul Gay
La Reine Marguerite : Mireille Delunsch
Le Prince Philippe : Yann Beuron
Le Chambellan : Victor von Halem
Isabelle : Hannah Esther Minutillo
Cyrille : Jason Bridges
Cyprien : Jean-Luc Ballestra
Innocent : Guillaume Antoine
Valentin : Marc Cossu Leonian

Orchestre : Klangforum Wien
Ensemble Les Jeunes Solistes
Direction : Rachid Safir
Direction musicale : Sylvain Cambreling



Merci, la liste ANPR !

jeudi 3 février 2011

Bibliographomanie spinophrène


On a découvert, enfoui dans les mailles de la Toile, ce site de bibliographie spinoziste qui couvre la période 1978-2001, dont la genèse est racontée dans un article que l'on peut partiellement consulter ici. Les numéros suivants du Bulletin de bibliographie spinoziste sont disponibles sur le site de l'Association des Amis de Spinoza (qui renvoie à la revue Archives de philosophie où ledit bulletin est publié), mais sans plus d'indexation.