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vendredi 2 avril 2010

Rien ne se passe jamais idéalement dans la réalité

Le froid et l'oubli, je ne désirais rien d'autre à l'époque. Cela ne m'inquiétait pas : je savais que viendrait un jour le moment de repartir dans l'existence et je n'étais pas pressé. Assez en avais-je vu, me semblait-il. Etres, choses, paysages… j'avais de quoi ruminer pour un ou deux siècles et à quoi bon aller encore au-devant des histoires ? Je ne voulais plus d'ennuis. Lorsque la sonnerie du téléphone me réveilla [, il] faisait presque nuit dans la pièce. Je décrochai. Et tout de suite je sus que c'était elle. Avant même de le savoir je sus que c'était elle. C'était sa voix, sa respiration, presque son visage et avec lui, surgissant du passé, mille joies se dorant au soleil et me caressant le visage et me léchant les doigts et la plupart se balançaient au bout d'une corde. […] Tout finissait donc par arriver, ai-je songé en une fraction de seconde, et même le jour de la mort de Michel Leiris, ai-je songé aussitôt après, et cette pensée m'a paru si fantasque que je crus que j'allais éclater de rire comme si j'accédais à l'hilarité même des choses ou à une vérité si excessive que seul un fou rire pouvait m'en protéger ; mais il ne s'agissait peut-être pas d'une coïncidence et l'idée me traversa qu'elle n'aurait peut-être jamais appelé si Michel Leiris n'était pas mort, oui, sans doute avait-elle appris la nouvelle et cette disparition l'avait-elle incitée à réapparaître dans mon existence, obscurément cela avait peut-être joué et je pressentais en tous les cas un lien et dans les rêves il paraît que ce n'est jamais la scène principale mais un détail qui transmet leur contenu et j'étais depuis longtemps convaincu qu'il en allait de même dans la réalité, avec ce que l'on appelle la réalité. […] Rien ne se passe jamais idéalement dans la réalité et sûrement est-ce une chance pour l'humanité, mais à cet instant je n'en faisais pas moins tout pour qu'elle ignore que j'étais en train de dormir au beau milieu de l'après-midi, il n'en était pas question, comme une faute de ma part ou un outrage à ce qui survenait pour une fois d'exceptionnel, ou elle aurait cru je ne savais quoi que je voulais justement qu'elle ignore et, non, ma vie n'était pas devenue un long sommeil et je ne passais pas mon temps couché et gisant en moi-même depuis qu'elle m'avait quitté ; au contraire, je vivais une fête permanente et j'allais en pleine forme et chaque instant était un gentil coquelicot et qu'imaginait-elle donc ?
Grégoire Bouillier, L'invité mystère, Éditions Allia, 2004, pp. 7-9, passim

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