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samedi 17 avril 2010

Accomplir un exploit par jour (4)

Se retenir d'éclater tout à trac en sanglots en public.
Même irrépressible, le pathos est obscène.

Accomplir un exploit par jour (3)

Faire rire les gens qu'on aime alors que la mort immine, question d'heures ou de décennies.

Accomplir un exploit par jour (2)

Ne pas se suicider tout de suite.
Il reste sûrement quelque chose à faire.
Quoi ?

Accomplir un exploit par jour (1)

Parvenir à s'extirper du pageot à un moment ou à un autre.
Pas forcément à l'aube, mais du moins avant le crépuscule.


lundi 12 avril 2010

Dieu est mort depuis une éternité mais on va pas en faire tout un camembert !

J'ai monté les marches de l'église et jeté un coup d'œil à l'intérieur. Sur les bancs, quelques vieux priaient. Mains jointes et tête baissée, entièrement livrés au ciel, offerts et pleins d'espoir. (J'ai eu cette vision lugubre : l'amoureux timide devant l'appartement de sa belle, qui sonne (il sait qu'elle est toujours là à cette heure) et se décide enfin à lui faire à travers la porte la fervente déclaration qu'il rumine depuis des mois. Il se lance dans la plus belle déclaration d'amour qu'homme ait jamais faite à femme, les mots viennent tout seuls, or et sucre à chaque syllabe, la passion du poète, dix minutes d'inspiration géniale comme il n'en connaîtra plus jamais dans sa vie. Il conclut sur quelque cerise lyrique et tend l'oreille : elle n'ose pas répondre. Et lui n'ose pas insister, réclamer une décision immédiate, trop heureux d'avoir enfin soulagé son cœur. Il redescend l'escalier avec le sourire de celui qui vient enfin d'accepter son destin, tandis que sa promise tâte les camemberts à l'épicerie du coin.)
Ces braves vieux sur les bancs, avec leurs si belles prières à l'intérieur, me faisaient penser à cet amoureux derrière la porte de l'appartement vide. Entièrement offerts à rien.
J'avais absolument besoin d'un petit verre.

Philippe Jaenada, Le chameau sauvage, Julliard, 1997,
rééd. J'ai Lu n°4952, 2001, ch. 34, pp. 146-147


Il me semble que l'on assiste à pareille vaine déclaration, adressée au personnage qu'interprète Nicole Garcia, dans le film Outremer, de Brigitte Roüan (1989). Mais je ne parviens pas à en trouver trace.

vendredi 2 avril 2010

Fin sans début de commencement

Voici longtemps, j'avais eu l'idée d'un film très simple, très perecquien (période La vie, mode d'emploi) ou un peu borgésien, construit à la manière de cette publicité pour l'homosexualité (« On a parfois besoin d'autres hommes pour réussir ensemble » !) qu'est — magie des blogues :



On y aurait vu des hommes, des femmes et des enfants occupés à entasser des moellons (en polystyrène, évidemment), dans une écrasante ambiance d'édification des pyramides d'Égypte, la caméra s'élevant très lentement au cours de cette construction gigantesque jusque à ce que ce mouvement de contre-plongée croissante s'arrête enfin, très haut, au moment où, la dernière pierre posée, on obtient une vue d'ensemble de l'édifice, qui ne dessine rien d'autre que le mot FIN.
Mais jamais je ne réaliserai ce film idiot et inutile, comme aucun de mes rêves : il faudrait savoir s'organiser, et ne pas procrastiner à tout-va. Tant pis.

Rien ne se passe jamais idéalement dans la réalité

Le froid et l'oubli, je ne désirais rien d'autre à l'époque. Cela ne m'inquiétait pas : je savais que viendrait un jour le moment de repartir dans l'existence et je n'étais pas pressé. Assez en avais-je vu, me semblait-il. Etres, choses, paysages… j'avais de quoi ruminer pour un ou deux siècles et à quoi bon aller encore au-devant des histoires ? Je ne voulais plus d'ennuis. Lorsque la sonnerie du téléphone me réveilla [, il] faisait presque nuit dans la pièce. Je décrochai. Et tout de suite je sus que c'était elle. Avant même de le savoir je sus que c'était elle. C'était sa voix, sa respiration, presque son visage et avec lui, surgissant du passé, mille joies se dorant au soleil et me caressant le visage et me léchant les doigts et la plupart se balançaient au bout d'une corde. […] Tout finissait donc par arriver, ai-je songé en une fraction de seconde, et même le jour de la mort de Michel Leiris, ai-je songé aussitôt après, et cette pensée m'a paru si fantasque que je crus que j'allais éclater de rire comme si j'accédais à l'hilarité même des choses ou à une vérité si excessive que seul un fou rire pouvait m'en protéger ; mais il ne s'agissait peut-être pas d'une coïncidence et l'idée me traversa qu'elle n'aurait peut-être jamais appelé si Michel Leiris n'était pas mort, oui, sans doute avait-elle appris la nouvelle et cette disparition l'avait-elle incitée à réapparaître dans mon existence, obscurément cela avait peut-être joué et je pressentais en tous les cas un lien et dans les rêves il paraît que ce n'est jamais la scène principale mais un détail qui transmet leur contenu et j'étais depuis longtemps convaincu qu'il en allait de même dans la réalité, avec ce que l'on appelle la réalité. […] Rien ne se passe jamais idéalement dans la réalité et sûrement est-ce une chance pour l'humanité, mais à cet instant je n'en faisais pas moins tout pour qu'elle ignore que j'étais en train de dormir au beau milieu de l'après-midi, il n'en était pas question, comme une faute de ma part ou un outrage à ce qui survenait pour une fois d'exceptionnel, ou elle aurait cru je ne savais quoi que je voulais justement qu'elle ignore et, non, ma vie n'était pas devenue un long sommeil et je ne passais pas mon temps couché et gisant en moi-même depuis qu'elle m'avait quitté ; au contraire, je vivais une fête permanente et j'allais en pleine forme et chaque instant était un gentil coquelicot et qu'imaginait-elle donc ?
Grégoire Bouillier, L'invité mystère, Éditions Allia, 2004, pp. 7-9, passim