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samedi 30 janvier 2010

Et s'il n'en restait qu'un…

Hé bien voilà, c'est fini. Après Baruch Spinoza, Witold Gombrowicz, Guy Debord et Charlie Schlingo, J. D. Salinger disparaît à son tour.
Aucune importance, puisqu'il n'avait plus rien publié depuis des décennies… mais bon, ça fiche un coup : dans la bibliothèque familiale minutieusement inspectée au sortir de l'enfance, les deux seuls livres importants furent Les onze mille verges (qui se présentait par la tranche) et L'attrape-cœurs. C'est ainsi qu'à l'âge de onze ans je me suis fait adopter par la famille Glass.

samedi 23 janvier 2010

Thème du traître et du héros

Sans vouloir jouer les pleureuses, on ne peut s'empêcher de rappeler que cela fait aujourd'hui un an que l'intéressant site Les Moissonneuses « basculait dans le néant électronique », pour employer les termes léonins de l'Anonyme (seule consolation : celui-ci accédait précisément ce jour-là « à une sorte d'existence intermittente et innommée »).
On crut un temps qu'il avait été vaporisé par sa fondatrice, puis on sut qu'il n'en était rien : c'est le colonel qui avait commis le seppuku.

Pour mémoire, voici, pas trop au hasard, le billet qui y fut publié le mardi 9 septembre 2008 à 11h 55, avec ses commentaires.

mardi, septembre 09, 2008

DSM-IV: monomaniaque obsessionnelle

Les yeux remplis d'une terreur soudaine, Jenny recula devant le couteau, sa main cherchant à tâtons derrière elle le bouton de la porte de la cuisine. Elle était trop effrayée pour hurler; d'ailleurs, il n'y avait personne pour l'entendre. Personne, à part l'homme qui venait vers elle avec le couteau — et cet homme était fou, il devait être fou. Sa main agrippa le bouton, le tourna. La porte s'ouvrit sur les ténèbres et Jenny s'élança dans la nuit. La Mort se jeta à sa poursuite.

Huit années s'écoulèrent.

Les puristes et les obsessionnels (nous sommes les deux, également cyclothymiques et paranoïaques) pourront comparer ici la traduction révisée avec l'originale. On signale au passage que le livre (faut-il préciser qu'il s'agit de La Fille de nulle part?), notre première frustration éditoriale et notre grand amour, vient de reparaître en poche chez Rivages/Noir.

22 APPROBATIONS INCONDITIONNELLES:

GWFW a dit…

vendredi 22 janvier 2010

Je ne demande qu'à m'instruire



Faisant fi de toute modestie, il me plaît de diffuser ici ce compliment que m'adressait hier soir un ami de bon conseil :


lundi 18 janvier 2010

Peintres en bâtiment…

C'était plein à craquer, des maçons, des peintres en salopettes prenaient le pousse-café au comptoir où nous attendions que se libère une table. Le menu était affiché à la craie sur un des miroirs, ce jour-là c'était une blanquette de veau. Papa portait une veste en velours et un béret serré comme celui d'Auguste avec bien évidemment une chemise à carreaux. On ne dépareillait pas du tout dans le restaurant où, très vite, on avait trouvé à s'asseoir. Les deux ouvriers à la table à côté ont regardé les mains de Papa, tachées de couleurs diverses, ces mains dont il disait souvent qu'elles étaient imprégnées jusqu'à l'os. Il avait alors plus de soixante-dix ans, mais avec son allure énergique et l'impression de puissance qui émanait de lui, il pouvait très bien passer pour un peintre en bâtiment.
— Vous avez un chantier dans le coin ? demanda l'un d'eux.
— Je refais un plafond à l'Opéra, répondit mon père, attaquant son œuf dur mayonnaise.

David McNeil, Quelques pas dans les pas d'un ange, Gallimard, 2003.
(Auteur-compositeur-interprète et romancier, David McNeil est le fils de Marc Chagall).



vendredi 15 janvier 2010

Enjambements



Apollinaire
En a aussi des sévères
Et des pas mûres dans ses vers
Dans ses vers
Onze mille vers
Je me sens à bout de nerfs
Agitée comme un shaker
Dans mon rocking-chair.

Serge Gainsbourg, Rocking-chair, 1974 (deuxième couplet)

mardi 12 janvier 2010

lundi 11 janvier 2010

Une ontologie de la puissance*


À la sinistre question de Leibniz, « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », Spinoza aurait rétorqué par anticipation :
« Pourquoi tout le réalisable ne se produit-il pas ? »
Telle est du moins l'une des questions qui se posent à la lecture de la proposition XVI de la première Partie de l'Éthique :

Ex necessitate divinæ naturæ, infinita infinitis modis (hoc est, omnia, quæ sub intellectum infinitum cadere possunt) sequi debent.

De la nécessité de la nature divine doivent suivre une infinité de choses d'une infinité de manières (c'est-à-dire tout ce qui peut tomber sous un intellect infini).
(tr. B. Pautrat)
* On doit cette expression à Alexandre Matheron.

jeudi 7 janvier 2010

Le 3ème genre de connaissance n'a que faire de la fausse modestie


Je ne prétends pas avoir trouvé la philosophie la meilleure, mais je sais que j’ai connaissance de la vraie. Me demanderez-vous comment je le sais, je répondrai : de la même façon que vous savez que les trois angles d’un triangle égalent deux droits, et nul ne dira que cela ne suffit pas, pour peu que son cerveau soit sain et qu’il ne rêve pas d’esprits impurs nous inspirant des idées fausses semblables à des idées vraies ; car le vrai est à lui-même sa marque et il est aussi celle du faux.
Lettre LXXVI, à Albert Burgh, tr. Ch. Appuhn

mercredi 6 janvier 2010

Kant (on n'a que l'âme, ou rien)


Bien que la morale kantienne ne soit qu'une chimère manchote, comme l'avait déjà remarqué Péguy*, il n'est cependant pas tout à fait vain de se rappeler de temps en temps les trois formulations de l'impératif catégorique dans les Fondements de la métaphysique des mœurs :

— « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » (Variante : « Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature »).

« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen »

— [Agis de telle sorte] « que la volonté puisse se considérer elle-même comme légiférant universellement en même temps par sa maxime. » (Variante : [Agis comme si tu étais] « toujours par tes maximes un membre législateur dans le règne des fins »).

Et Kant de préciser un peu plus loin : « Les trois manières que nous avons indiquées de représenter le principe de la moralité ne sont au fond qu’autant de formules d’une seule et même loi, formules dont chacune contient en elle, par elle-même, les deux autres. Il y a cependant entre elles une différence, qui, à vrai dire, est plutôt subjectivement qu’objectivement pratique, et dont le but est de rapprocher (selon une certaine analogie) une idée de la raison de l’intuition et par là du sentiment. »

* Maintenant, on ne peut résister au plaisir de citer intégralement le beau texte lucide de ce catho de Péguy qui suit sa formule notoire :

Le kantisme a les mains pures, mais il n'a pas de mains. Et nous nos mains calleuses, nos mains noueuses, nos mains pécheresses nous avons quelquefois les mains pleines. —
Agis, dit Fouillée, comme si tu étais législateur en même temps que sujet dans la république des volontés libres et raisonnables. C'était une fois un fonctionnaire qui a eu du génie, du plus grand. Mais il était fonctionnaire, une fois fonctionnaire ; il était célibataire, deux fois fonctionnaire ; il était professeur, trois fois fonctionnaire ; il était professeur de philosophie, quatre fois fonctionnaire ; il était fonctionnaire prussien, cinq et septante fois fonctionnaire. Il n'a pu avoir qu'un (très grand) génie de fonctionnaire. (Et de célibataire). Hélas législateur en même temps que sujet. Hélas la république des volontés libres et raisonnables. — Agis de telle sorte, continue Fouillée, agis de telle sorte que la raison de ton action puisse être érigée en une loi universelle. Agis de telle sorte que l'action de Fouillée puisse être érigée en une loi universelle. Et même l'action de Kant. Alors, pour commencer, il n'y aurait plus d'enfants. Ça ferait un beau commencement. Tout devient si simple, dès qu'il n'y a plus d'enfants. Sich zur allgemeinen Gesetzgebung schicken. Hélas combien de nos actions pourront être érigées en une loi universelle. Et combien de raison de nos actions. Zur allgemeinen Gesetzgebung. Et cela ne nous est-il pas tellement égal. Cela ne nous est-il pas tellement étranger. N'avons-nous point d'autres inquiétudes, d'infiniment autres profondeurs. D'infiniment autres soucis. D'infiniment autres détresses. Combien de nos actions ne pourraient point être érigées, geschickt, en loi universelle, pour qui cet envoi ne présente même aucun sens ; et ce sont celles à qui nous tenons le plus, les seules à qui nous tenions sans doute ; actions de tremblement, actions de fièvre et de frémissement, nullement kantiennes, actions d'une mortelle inquiétude ; nos seules bonnes actions peut-être ; nullement planes, nullement quiètes, nullement calmes, nullement horizontales ; nullement législatives ; nullement tranquilles, sûres de soi ; nullement dans la sécurité ; nullement sans remords, nullement sans regrets ; des actions sans cesse combattues, sans cesse intérieurement rongées, nos seules bonnes actions, les moins mauvaises enfin, les seules qui compteront peut-être pour notre salut. Nos pauvres bonnes actions. Les seules, et ce sera si petit, que nous pourrons présenter dans le creux de la main. Also kann ein vernünftiges Wesen sich seine subjectiv-praktischen Principien, d. i. Maximen, entweder gar nicht zugleich als allgemeine Gesetze denken, oder es muss annehmen, dass die blosse Form derselben, nach der jene sich zur allgemeinen Gesetzgebung schicken, sie für sich allein zum praktischen Gesetze mache. Elle est loin, l’allgemeine Gesetzgzbung.

Charles Péguy, Victor-Marie, comte Hugo [1910], § 84, in Œuvres en prose 1909-1914, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1961, pp. 827-828.

Le renversement de perspective, 5


La beauté, Monsieur, n’est pas tant une qualité de l’objet considéré qu’un effet se produisant en celui qui le considère. Si nos yeux étaient plus forts ou plus faibles, si la complexion de notre corps était autre, les choses qui nous semblent belles nous paraîtraient laides et celles qui nous semblent laides deviendraient belles. La plus belle main vue au microscope paraîtra horrible. Certains objets qui vus de loin sont beaux, sont laids quand on les voit de près, de sorte que les choses considérées en elles-mêmes ou dans leur rapport à Dieu ne sont ni belles ni laides.
Spinoza, Lettre LIV, à Hugo Boxel (octobre 1674)

mardi 5 janvier 2010

Prévoir en primitif, agir en stratège



Ils étaient arrivés devant l’ascenseur. Tandis que la cabine les emportait à toute allure dans les profondeurs du bâtiment, Anderton reprit : « L’inconvénient fondamental, du point de vue juridique, inhérent à la méthodologie de Précrime ne vous a probablement pas échappé non plus. Nous arrêtons des individus qui n’ont nullement enfreint la loi.
— Mais s’y apprêtent, affirma Witwer avec conviction.
— Justement, non, par bonheur… puisque nous les arrêtons avant qu’ils puissent commettre un quelconque acte de violence. Donc, l’acte criminel proprement dit ne relève strictement que de la métaphysique. C’est nous qui proclamons ces gens coupables. Eux se prétendent éternellement innocents. Et en un sens, ils sont innocents. »
Quittant l’ascenseur, ils empruntèrent à nouveau un couloir éclairé par une lumière jaune.
« Notre société ne connaît plus le crime grave, poursuivit Anderton, mais nous avons tout de même un camp de détention peuplé de criminels potentiels. »


Philip K. Dick, Rapport minoritaire [The Minority Report, 1956],
Gallimard, folio SF n°109, 2002, pp. 17-18.